L'appellation Bandol AOC

  • 37-Art-de-Vivre-Vignoble-104.jpg
  • fd-accueil.jpg

Les Vins de Bandol reçoivent leurs titres de noblesse 

Un décret leur accorde le bénéfice de l’appellation contrôlée
Communes englobées dans l’appellation « Bandol » où une commission d’experts délimitera les lieudits ayant droit à l’appellation.
Communes où les experts pourront choisir certains lieudits pour les joindre à ceux des communes précédentes. Les côtes indiquées sur la carte montrent combien cette région est accidentée.
Pour enregistrer le décret du 11 novembre 1941, cliquez ici.
Un décret en date du 11 novembre 1941 a créé l’appellation contrôlée « Vin de Bandol » ou « Bandol » pour certains vins récoltés sur les territoires des communes de Bandol, Sanary, La Cadière d’Azur, Le Castellet, dans le département du Var. Le même décret a prévu que cette appellation serait probablement étendue à quelques lieux dits des communes d’Ollioules, d’Evenos, de Saint-Cyr-sur-Mer et du Beausset. Il impose en même temps aux vins ainsi anoblis des conditions de production assez sévères.
« Bandol » évoque plutôt le joli site où est installé ce petit port plein de soleil et de couleurs que des vignobles, tout au moins pour les touristes. C’est qu’en réalité le port de Bandol a donné autrefois son nom aux vins qui venaient des communes viticoles environnantes pour s’y embarquer, comme Bordeaux a dénommé les vins de la Gironde qu’on
y exportait.

Les vins de Bandol ont une histoire.

On trouve encore près du port, l’ancien cellier où s’entreposaient les futailles pleines avant d’être chargées sur les voiliers. On montre, chez des viticultuers, des diplômes datant de 1868 attribuant des récompenses à des vins récoltés dans les communes avoisinnant Bandol et désignés par l’appellation en usage depuis longtemps « Vins de Bandol ». Les annales de la ville du Beausset, par Louis Sifroy Bonifay, relatent, en 1868, que Louis XV et la famille royale n’usaient que du vin récolté en cette commune dans le quartier du Rouve et indiquent que ce vin comme ceux des côteaux du Castellet, de la Cadière-d’Azur et de Saint-Cyr étaient connus sous le nom de « Vins de Bandol ». D’autres auteurs anciens citent sous cette appellation les vins d’Ollioules, de Sainte-Anne-d’Evenos et de Saint-Nazaire (ancien nom de Sanary).


Ainsi les vins de Bandol peuvent montrer les titres qu’ils ont conquis dans le passé, et prouver que l’appellation qu’ils ont gagnée est confirmée par les usages anciens, loyaux et constants. C’est là un premier point qu’exige toujours le Comité National des appellations d’origine lorsqu’un vin se présente à son examen afin d’obtenir les prérogatives des appellations contrôlées.
Il ne faut pas croire d’ ailleurs que tous les vins récoltés sur les communes énoncées au décret vont bénéficier de l’appellation contrôlée « Bandol ». Il y a lieu de prévoir au contraire que la proportion des vins acceptés sera relativement faible.
Tout d’abord, une Commission d’experts va délimiter dans chaque commune ce qu’on appelle « l’aire de production ». Ils tiendront compte du sol, de l’exposition, de la topographie et des usages anciens. Les vignobles à grand rendement des plaines continueront à livrer à la consommation des vins ordinaires. C’est surtout dans les côteaux accidentés qui, bordant le ravin du Grand Vallat, s’étendent, à l’ouest, jusqu’au ravin de la Salle, et, à l’est, jusqu’au ravin de la Reppe, que seront les élus. Là les pentes sont tellement rapides parfois, que les vignobles sont édifiés sur des terrasses entretenues à grands frais par leurs propriétaires.

Mais dans les limites territoriales qui seront définies; les vins de Bandol devront être le produit exclusif des cépages énumérés au décret.
Pour les vins blancs, l’Ugni blanc, la Clairette, le Sauvignon sont les cépages principaux, avec, pour cépages secondaires, dont la proportion ne doit pas dépasser 40 %, le Colombeau, le Frontignan, le Malvoisie, le Doucillon.

Pour les vieux rouges ou rosés, le Mourvèdre, le Grenache, le Cinsault, le Carignan sont les cépages principaux, avec, pour cépages secondaires, le Pécoui-Touar, le Tibouren, la Syrah, le Pirrot, les cépages secondaires étant limités à une proportion de 40 % comme pour les vins blancs.


Parmi les cépages destinés aux vins rouges, le Mourvèdre jouait jadis un grand rôle. C’est lui qui contribuait à donner aux vins de Bandol les éléments de conservation qui leur permettaient de vieillir longtemps en acquérant toutes leurs qualités, et de supporter les voyages en voiliers vers « les îles ». Pour cette raison, dans un délai de cinq années, tous les viticulteurs demandant l’appellation contrôlée, devront avoir dans leurs vignes et dans leurs vins une proportion d’au moins 10 % de Mourvèdre.

Quoique le décret n’ait pas édicté d’obligation de ce genre pour l’Ugni blanc et la Clairette en ce qui concerne les vins blancs, nous conseillons volontiers aux viticulteurs de donner la prépondérance à ces deux cépages bien provençaux, tandis que le Sauvignon, malgré sa noblesse, ne doit intervenir qu’en proportion réduite pour ne pas donner avec exagération son parfum spécial que le soleil méridional exalte.
Quant aux vins rosés, il semble que le Grenache et le Cinsault devraient y dominer pour y allier le velouté, le fruité à une belle richesse alcoolique tout en conservant sa légèreté.

Lorsque les viticulteurs réussiront pour leurs vignobles les conditions d’aire de production et de cépage, ils devront en outre tailler court et veiller à ce que leur production ne dépasse pas 40 hl à l’hectare, avec un degré alcoolique minimum de 10,5° pour les rouges et rosés, et de 11° pour les blancs, sous peine de ne pouvoir revendiquer l’appellation « Bandol ».

La vinification, conforme aux usages locaux et anciens, ne devra comporter aucun enrichissement, et les moûts ne pourront subir aucune concentration. Seul le soleil provençal doit élaborer leurs qualités dans le magnifique laboratoire que constitue un vignoble de cru.
Grâce à cette règlementation, il n’y a pas lieu de croire que les vins de Bandol vont apparaître sur le marché en quantités importantes. En 1940, sur les 84.731 hectolitres de vins récoltés dans les vignobles de la Cadière-d’Azur, du Castelet, de Bandol et de Sanary-sur-Mer, un peu plus d’un million d’hectolitres seulement ont demandé une appellation d’origine. Il faut donc compter évidemment qu’un certain nombre de propriétaires qui avaient négligé dans le passé, quoique récoltant des vins de qualité, de demander une appellation, vont aujourd’hui réclamer l’appellation « Vin de Bandol » parce qu’elle est contrôlée et leur confère des avantages importants. Mais parmi eux combien se verront retirer le droit à l’appellation parce qu’ils auront dans leurs vignes des aramons, ou des noirs de la Calmette? D’autres modifieront leur encépagement dans des vignes bien placées, et querront dans quelques années l’appellation qui leur sera refusée maintenant. Il en résultera dans l’ensemble une augmentation notable, sans pourtant que celle-ci atteigne une proportion importante de la récolte totale des communes intéressées.

Le contrôle s’organise d’ailleurs par la collaboration du comité national des appellations d’origine, du syndicat de défense des vins de Bandol, avec les services des contributions indirectes et de la répression des fraudes.
Ainsi se poursuivra une amélioration progressive de la qualité par une orientation méthodique des méthodes de culture et de vinification. On tendra surtout à développer les vins possédant les caractères qui ont jadis conquis la réputation de cette petite région provençale.
Les vins blancs de Bandol sont alcooliques. En 1940, ils ont atteint parfois 14°. Ils sont secs et bouquetés.Ils vieillissent bien sans madériser. Ils conviennent fort bien pour accompagner un plat de poisson tandis que les rouges, souvent corsés, sont tout indiqués, pour être servis avec un rôti ou un civet.

La petite production des vins de Bandol ne permet pas de les considérer, sauf exception, comme des vins d’exportation. Ils n’aspirent pas d’ailleurs à rivaliser avec les Corton ou les Montrachet. Leur ambition doit être d’apparaître toujours à côté des vins de Cassis, et peut-être d’autres vins de Provence appelés un jour à conquérir leurs titres de noblesse sur les tables des bons hôtels de leur région immédiate.
Les vins à caractères locaux font partie de tout ce qui est spécial à nos belles régions françaises. Il faut souhaiter qu’aux beaux jours de la paix, lorsque les touristes viendront admirer la Provence ils pourront déguster sur place les vins généreux de Bandol. Ils les associeront alors dans leurs souvenirs au tableau merveilleux des barques de pêche aux couleurs vives qui se balancent mollement sur le petit port aux eaux bleues.

Georges Chappaz
Inspecteur général honoraire de l’Agriculture,
Vice-président du Comité National des appellations d’origine.